Petite réflexion sur le jardin minéral
Cette mode du jardin minéral, avec un assortiments de graviers, une infinité de choix de couleur, de formes, de texture… Mais qu’est ce qui se cache derrière le côté esthétique ? (On ne débattra pas sur les goûts de chacun.. 😉 )
1 – Le jardin minéral en quelques chiffres
En cherchant un peu, on apprend que « les industries extractives sont responsables de la moitié des émissions de carbone, et de la perte de plus de 80% de la biodiversité« . Depuis 1970 l’extraction des graviers et sable (notamment pour le béton) est passée de 9 à 44 milliards de tonnes ! (The Guardian, Euractiv) Le changement d’affectation des sols représente 80 % de la perte de la biodiversité et 85 % des pénuries d’eau (à cause de la déforestation, de la disparition des zones humides…).
L’ADEME, avec son bilan sur les gaz à effet de serre sur la partie granulats, nous apprends que « la valeur retenue est de 4kg CO2e pour les granulats issus de matière primaire « vierge » et de 3 kg CO2e pour les granulats issus de la filière recyclage ».
L’UNPG (Union Nationale des Producteur de Granulats) nous indique que, à la livraison après extraction, « pour une distance supérieure ou égale à 25 km, les émissions [de GES] totales doublent« .
Dans le jardin minéral, on peut également rajouter la présence de toile hors sol en polypropylène (545 kg.éq.C/t) qu’on étale généreusement par dizaines voire centaines de mètres carrés dans les jardins et espaces publics.
2 – Les inconvénients majeurs du jardin minéral
Hormis les GES, le jardin minéral représente d’autres inconvénients :
- L’impossibilité pour les végétaux de se marcotter, re-semer. On crée donc un espace sur lequel la vie ne pourra se développer. Seul des semis très fins pourront se faire sur la poussière et la matière qui finira par s’accumuler sur les graviers, et généralement ces semis sont des « mauvaises herbes » (mauvaises ? mieux adaptées aux contraintes surtout …).
- La dégradation de la bâche au fil du temps (particules plus ou moins dégradées dans le sol, inutilité sur le long terme, donc).
- Le réchauffement du jardin minéral, et ça on en parlera jamais assez. Les Allemands (dans la région de Bade-Wurtemberg) ont décidé une interdiction de ce type de jardin minéral. Le responsable du service urbanisme déclare : « Il existe des études qui révèlent que les nuits d’été, on peut avoir jusqu’à 6,5 degrés de plus dans les zones minéralisées en centre-ville que dans les espaces végétalisés à l’extérieur de Kehl. »
- Le manque de diversité : 4 stipas et 2 carrex pour 50m², vraiment, est ce du paysage …?
- L’eau s’infiltre moins facilement dans le sol du fait de la présence de la bâche (même si la protection du sol permet de limiter le phénomène de battance).
- Il n’y a aucun apport nutritif au sol. Le cercle vertueux des végétaux à feuillages caduques apportant matière organique à décomposer à la faune du sol (bactérie, insectes, champignons, vers de terre…) est complètement arrêté. Le sol ne s’enrichi plus et fini par s’appauvrir.
- Sur ce sol appauvri, les végétaux seront de plus en plus carencés -> des produits phyto à base d’engrais flash seront la plupart du temps apporté. Conclusion : un coup de fouet pour la plante qui va vite s’épuiser ensuite, et n’aura toujours aucune force à puiser dans le sol.
- La faune quittant peut à peut ces lieux, le terrain se tasse, se compacte : de moins en moins de vers de terre, de fourmis et autres « petites bêtes » pour venir aérer le sol. L’eau pénètre moins bien, les racines sont asphyxiées.
- Les végétaux étant de plus en plus faible (manque d’eau, de matière organique, d’éléments nutritifs en tout genre) ils sont plus sensibles aux maladies, et carences.
- La suite logique en général ? Une bonne taille et un bon coup d’engrais : « ça va le faire repartir !! », spoil : non ! Il va repartir par stress, puiser dans ces dernières réserves, démarrer des bourgeons adventifs, pour faire des pousses toutes fines, et ainsi mieux encore se faire manger par les ravageurs. Ce cercle vicieux diminue grandement la durée de vie des végétaux.
3 – Que faire ?
En conclusion, je dirais que c’est à nous Paysagistes, Jardinières, Concepteurs, Architectes, de prendre le temps de se recentrer sur l’environnement. Oui, il y a une problématique financière dans les jardins qui bloque beaucoup de projets. Mais si on regarde à long terme, si on met en place des aménagements pérennes qui vont s’améliorer au cours du temps, on diminuera les coûts d’entretien drastiquement. Ce qui laissera plus de budget aux créations. Un cercle vertueux peut être réfléchi en ce sens ! C’est à nous de réfléchir comment faire au mieux cet acte de paysager ! Les végétaux que l’on plante aujourd’hui nous survivrons, et certains survivront même à nos descendants ! Le jardin DOIT se réfléchir sur le long terme !
C’est à nous de proposer ces aménagements, c’est le cœur de notre métier. En cours à l’école on a apprit la biologie végétale, la biologie cellulaire, la reconnaissance de végétaux, mettons tout cela à profit ! On est pas la pour vendre du caillou !! Mais du vivant !!! La biodiversité c’est le cœur de notre métier ! Et c’est aussi notre avenir à tous, il faut la choyer, et tout mettre en œuvre pour la développer ! Remettons le vivant au cœur du jardin !
On est mieux à l’ombre d’un arbre les pied dans l’herbe que sous un parasol les pieds sur du caillou, non ?
Voir la petite réflexion sur le gazon
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